Petit article au sujet d'Interpol et Bloc Party (après maintees écoutes depuis une semaine en boucle, c'est
vraiment à découvrir)
A la recherche de la nouvelle star
Match : Interpol vs. Bloc PartyInterpol - Antics (Labels) vs. Bloc Party - Silent Alarm (V2)
La lutte est farouche et à jamais inachevée entre les Etats-Unis et l'Angleterre pour savoir qui emportera finalement le titre de sauveur / rénovateur / inventeur du rock de l'année, de la décennie ou du siècle. Qui sera le vainqueur de la saison Hiver 2004/2005 ? Interpol ou Bloc Party ?
L'Angleterre a, au service du combat, une formidable arme de destruction massive : sa presse musicale qui bien qu'affaiblie commercialement est toujours en mesure de monter une hype et de la faire gober aux pays frères (nous).
New York avait livré les Strokes. Londres a lâché Franz Ferdinand en représailles. Victoire totale. Quelques mois après, on affûtait de nouvelles armes : Libertines à l'Est de l'Atlantique, Interpol à l'Ouest. Pour quel résultat ? Deux groupes plus intéressants que les précédents dont la critique a mis en doute la pertinence : les Libertines parce qu'ils étaient aussi des phénomènes de foire, Interpol parce qu'ils étaient lookés comme des opportunistes. Si les Libertines ont éclaté en cours de vol (la séparation officielle laisse un Carl Barat surmotivé et un Pete « Babyshambles » Doherty en liberté conditionnelle), Interpol doit se coltiner maintenant la locomotive Bloc Party et le match n'est pas gagné. Il se matérialisera d'ailleurs pas plus tard que le 23 avril où les deux formations s'aligneront au Printemps de Bourges.
INTERPOL - Après l'étincelant Turn On the Bright Lights, Antics, sorti fin 2004, a été un rien sur- vendu comme l'album de la maturité triomphante : moins de bruit, plus de délicatesse et de subtilité. Connerie. En réalité, c'est un album un peu plus faible que son prédécesseur mais qui n'en reste pas moins excellent. Des titres comme Slow Hands (le single), Evil (le deuxième single) C'mere (le meilleur titre de l'album) sont très très bons. La voix du chanteur Paul Banks est ce qui se fait de mieux sur le marché du rock moderne, modulable à l'infini, grave, étonnamment puissante et juste sur scène comme en studio. La section rythmique (Carlos, Carlos, mamma mia) est irréprochable et les textes quasi-parfaits, dans la lignée de Joy Division pour cette même capacité à évoquer l'intime, le couple, la passion comme s'il s'agissait de la guerre en Irak. Interpol a une densité rare pour un groupe aussi jeune, à chercher d'après ce que disent les fans du côté d'un batteur expérimenté et plus âgé que les autres membres du groupe. Cette technique imparable (le batteur avec de la bouteille et souvent dedans) avait donné ses fruits en amenant les Pavement de Stephen Malkmus au sommet au début des années 90 (Gary Young tenait alors les baguettes). En bref, Interpol est un supergroupe à l'ancienne, peut-être plus à l'aise sur scène que derrière les fourneaux et qui n'est pas un simple décalque marketing des Cure, des Joy Division ou des Smiths, comme il en a été question lors de la sortie du premier album. Le procès en manque d'originalité ne tient pas à l'écoute de titres tels que Leif Erikson sur le premier album ou Public Pervert sur celui-ci. La signature d'Interpol réside dans une sorte de suspension mélodique et rythmique intermittente qui vient relier ou partager des segments de chanson en leur donnant une couleur spécifique. Ou du bon usage de la pause sur une tablature pour relancer l'émotion. Et ça, c'est plutôt nouveau, sans être totalement inédit.
BLOC PARTY - Côté Bloc Party, la machine à faire vendre est en marche sur le fondement des singles sortis en 2004. Chanteur noir et gay (sic), clone vocal de Robert Smith (re-sic), période Seventeen Seconds, influence Pixies (triple-sic) et Gang of Four. A l'écoute de l'album, élégamment titré Silent Alarm, l'impression est mitigée. La voix de Robert Smith n'y est pas tout à fait et la ressemblance avec les Pixies s'arrête à un air de famille avec Franz Ferdinand, un petit côté sautillant, excité du genou qui n'a pas grand-chose à voir avec l'hystérie du Gros Frank. Ceci étant dit, la musique de Bloc Party, affreusement surcotée, n'est pas dénuée d'intérêt. C'est dansant, entraînant, cela alterne le rapide (Like Eating Glass), souvent, et le plus lent (Pioneers), le léger et le plus profond, tout en restant très « powerful ». La section rythmique est dynamique et a la folie du Clash et des Orange Juice. La voix d'Okereke n'est pas déplaisante mais ne pèse pas lourd comparée à celle du chanteur d'Interpol. En guise de textes, le tout est nimbé dans un flou artistique avec quelques saillies politiques bizarres. C'est bon, mais c'est un peu fatigant sur la longueur d'un album.
Silent Alarm joue finalement assez mal, alors que les titres composés le permettraient, des ruptures de rythme et des ruptures de ton. En cela, l'album saisit le groupe à un moment délicat de son existence : trop tard pour rendre compte de ce que le combo a dû être début 2004, de la vraie dynamite, et trop tôt pour dire ce qu'il sera demain. Silent Alarm sonne déjà comme un deuxième album et non comme un premier. C'est sa vraie faiblesse, le cul entre deux chaises, alors même qu'il ne s'est pas encore assis sur la première.
Pour Interpol, le futur risque d'être également délicat à négocier et l'on voit se profiler à l'horizon la malédiction du troisième album, phénomène bien connu des amateurs qui dit que ça passe ou/et ça casse à cet endroit-là. En attendant, la France aura droit à sa bénédiction lors d'étapes garnies des deux monstres en tournée. Avantage USA pour le moment on l'aura compris, même si ces phases de domination n'ont jamais duré.